Bon.
Ce matin, j’avais rendez-vous avec mon chirurgien. Je m’étais préparée pendant des semaines à l’engueuler (je ne sais pas engueuler les gens, je dois tout le temps demander à ma maman), et j’ai bien essayé mais… j’ai pleuré. Bordel de slip.
*Flashback*
Quand il est venu me chercher dans la salle d’attente, j’ai à peine osé le regarder. Je stressais. Je me suis installée sans rien dire et j’ai attendu qu’il me demande comment ça allait. Quand c’est enfin arrivé, je lui ai dit la vérité, à savoir, que j’avais connu des jours meilleurs et que j’étais sous antidépresseurs. « Et vous êtes sous antidépresseurs parce que… ? » Eh bien parce ce que vous m’avez appris au dernier rendez-vous qu’il me restait tout plein de graisse, et que ça signifiait la fin du monde pour moi, pardi.
J’ai essayé de lui expliquer que cette lipo d’avril 2014 était mon dernier espoir, et que maintenant ma vie était finie. « Donc vous n’êtes pas satisfaite des résultats, si je comprends bien ».
HAHAHA SI, EN FAIT JE SUIS TRÈS CONTENTE ET JE TROUVE QUE J’AI DES JAMBES MAGNIFIQUES. Non mais sans blague.
Il m’a gentiment conseillé d’aller voir un psychologue. Je lui ai dit que j’avais essayé et que j’avais préféré le psychiatre. « Oui mais les psychiatres sont juste là pour donner des médicaments ! ». Ah oui, parce qu’il a trouvé que j’étais trop jeune pour prendre des médocs, et qu’il y avait d’autres moyens pour aller mieux. C’est vrai, ce n’est pas comme si j’avais tout essayé, merci docteur.
Bref, ensuite j’ai dû retirer mon pantalon en évitant de laisser tomber mon regard sur mes jambes, parce qu’à la lumière du jour, j’ai du mal à supporter, il a pris des photos (pour se justifier de son excellent travail en les comparant avec celles de l’année dernière), et il m’a demandé si je m’étais pesée. Oui, c’est toujours pareil, -3,5 L et toujours le même poids, je ne cherche même plus à comprendre. « Ah oui mais ça dépend de ce que vous mangez après la lipo, aussi… ». (Inutile de dire que je me suis esclaffée).
Je redoutais de le faire mais je lui ai quand même posé la question : est-ce que j’ai fini de dégonfler ? Est-ce qu'il n’y a vraiment pas plus de résultats à espérer, c’est sûr de chez sûr ? Hélaaas, la réponse était oui.
Pour changer de sujet, il m’a demandé ce que je pensais de mon ventre. Je lui ai dit qu’il y avait un tunnel tout bizarre et que la peau ne tombait plus comme avant, et il a dit que c’était possible mais que lui le trouvait bien. « Pas hyper maigre non plus, mais bon, vu votre poids, c’est déjà pas mal ; vous avez essayé de vous bouger un petit peu, de faire du footing etc. ? »
Et c’est là que je n’ai pas pu me contenir, je devais avoir l’air d’une folle au bord de la crise d’hystérie, mais je me suis mise à débiter à toute vitesse, avec une voix qui partait dans les aigus alors que c’était bien le moment qu’elle refasse des siennes : « Non non mais non ! » (oui, je suis éloquente) ; « C’est pas vrai ! Vous voulez que je vous raconte comment se passent mes journées ? Juste pour rire ?? » (je ne lui ai pas laissé le choix, en fait) « Je me lève à 6h30, même quand je commence tard, pour être sûre d’avoir le temps de faire mes abdos, mon gainage, mes étirements, et ma séance de corde à sauter..
– ..De la corde à sauter comme Rocky ?
– Oui, comme Rocky (>.<) Ensuite je m’étire les jambes pendant un quart d’heure. Et ensuite je prends un super petit déj, alors regardez, un bout de pain coooomme ça.. » (doigts qui miment les 5 misérables cm² en question) « ..et après, c’est fini pour toute la journée les féculents, ensuite c’est légumes et fromage blanc 0% jusqu’au lendemain. Et c'est comme ça TOUS LES JOURS. Alors si vous avez d'autres idées, oui, ce serait cool.»
(Oui, j’ai dit tout ça, on ne se moque pas.)
« – Eh bien arrêtez ça tout de suite, de toute évidence ça ne marche pas (merci) et en plus ça vous déprime (OK). Regardez, moi je ne mange pas du tout comme vous et pourtant je ne grossis pas (ça me fait une belle jambe).»
Là-dessus il m’a expliqué que tout le monde était différent, que des fois on ne pouvait pas faire de miracles, qu’il y avait les os, le gabarit, la génétique… « Oui, en gros je suis pourrie de base, et je suis vouée à avoir des grosses cuisses ».
Il m’a répondu qu’il n’était pas d’accord avec mon approche fataliste des choses, que d’ailleurs c’était un débat qu’on n’avait pas le temps d’aborder (il a regardé l’heure d’une manière qu’il voulait sans doute discrète) et qu’il y avait encore la solution… D’UNE DEUXIÈME LIPO. Encore elle !
J’ai essayé de tenir bon, de lui dire que je n’avais plus de sous, que ç’avait été tellement horrible la première fois que je n’étais pas sûre de pouvoir repasser par-là, … « Peut-être que vous n’êtes pas prête là, maintenant, mais ça ne fait même pas un an, il faut vous laisser du temps. » Oui mais je n’ai plus de SOUS ! « Ça c’est autre chose, si on repart sur une deuxième opération il faudra discuter des conditions financières ensemble, c’est sûr… » Oui, en gros il va me la faire à 3000 euros au lieu de 4000 cette fois-ci.
Et puis je lui ai dit que je ne voulais plus être intubée, que j’avais une corde vocale endommagée et que je ne voulais pas courir le risque d’empirer les choses. Après m’avoir sombrement annoncé que tôt ou tard, j’aurais un problème médical qui justifierait une opération avec anesthésie générale (merci), il a dit que ça devait être possible de le faire en anesthésie locale.
Bordel de chiotte il va réussir à me convaincre. Je suis en train de taper moins vite là, parce que je suis vraiment en train d’y réfléchir. Je n’y crois pas. Je suis tellement influençable, au secours.
Surtout que tous mes arguments ne valent rien face à la possibilité de se débarrasser du surplus de graisse (assez conséquent selon lui) qui se trouve sur le devant de mes cuisses, et sur la face interne. Il m’a raconté le cas d’une mère de famille qui avait fait comme ça, en deux fois.
Cette mère de famille devait avoir des sous. Et la foi.
En fait c’est à ce moment super humiliant, où il a pincé toute la graisse dégoûtante qui se trouvait encore sur le devant de mes cuisses, que je me suis mise à chougner. J’ai laissé échapper un pitoyable « Mais POURQUOI c’est encore là, tout ça ? », et il s’est justifié en sortant l’argument de la limite de temps, plus on fait de zones, moins on peut passer de temps sur chaque zone, blablabla. Je lui ai dit que s’il m’avait prévenue dès le début, je n’aurais pas ajouté toutes ces zones-bonus (ventre, estomac, mollets) et je m’en serais tenue aux cuisses. « Ah, bah désolée, on s’est mal compris, mais c’est comme ça que ça marche malheureusement ». J’ai eu envie de lui dire que si, justement, il avait très bien compris au premier rendez-vous, mais qu’il voulait que je lui donne mes sous deux fois. Et comme je savais que je n’allais plus rester intelligible très longtemps, parce que ma bouche tremblait déjà pas mal, je lui ai dit que si je l’avais choisi lui, c’était parce qu’il m’avait garanti qu’il n’y aurait plus de contact entre mes cuisses, qu’on allait réussir à avoir le même diamètre de la culotte aux mollets, et que le profil ne serait plus bombé. Parce que c’étaient les trois choses que je ne pouvais vraiment plus supporter, et aujourd’hui elles sont encore là.
Et sur ces paroles, j’ai éclaté en sanglots et j’ai demandé si je pouvais remettre mon pantalon. Des grosses larmes de crocodile sont tombées sur la moquette.
Apparemment peu troublé par le fait que j’inonde son cabinet, il m’a alors présenté quatre options :
« 1) Vous êtes définitivement fâchée avec la chirurgie et vous décidez que votre vie est finie » (je me demande qui il cite),
« 2) Vous essayez de vous accepter comme vous êtes » (sur un ton sceptique qui fait plaisir),
« 3) Vous décidez que vous ne me faites plus confiance en tant que médecin et vous tentez la deuxième lipo avec quelqu’un d’autre » (je n’ai rien répondu),
« Et 4), Vous me faites encore confiance et on se revoit quand vous êtes prête pour corriger ce qui ne vous convient pas. Sachant que je ne peux enlever que la graisse, et qu’il n’y a rien à faire pour les muscles. »
Pour ne pas me laisser sur cette conclusion peu engageante, il m’a quand même dit qu’il était désolé que je ne sois pas satisfaite, qu’il n’était pas là pour faire tomber les gens dans la dépression, et que dans la mesure du possible il était là pour m’aider.
Moi qui étais venue pour l’engueuler et claquer sa porte en sortant, j’ai croassé que j’étais désolée, et quand ma gorge s’est un peu desserrée (j’ai dû m’y reprendre à cinq fois), je lui ai dit que je ne remettais pas en doute ses compétences, vraiment désolée (pourquoi diable n’ai-je aucune personnalité ?!), que d’habitude je ne pleurais jamais devant les gens et que j’étais une fois de plus…(suspense)…désolée.
Il m’a dit que ce n’était pas grave, que c’était la faute des médicaments (héhé comme c’est facile) et il m’a donné un mouchoir. Enfin un sopalin de docteur qui râpe le nez. Le bon côté de cette histoire, c’est que ce matin j’étais en retard, donc je n’ai pas eu le temps de me maquiller ; du coup, on a évité le look de panda.
Le temps qu’il mette mes photos sur l’ordi, j’ai réussi à me calmer un peu et je lui ai amèrement montré les modèles de jambes que je lui avais imprimés.
(Oui, j’avais fait une capture d’écran de mon blog de pleurnicharde.)
Alors, comme peuvent en témoigner ces impitoyables traits de feutre bleu, Kathryn Prescott de Skins est « boudinée » sur la première photo et elle a de la culotte de cheval sur la dernière (merci pour elle) ; de toute façon, Gwen Stefani est plus grande que moi ; la deuxième mannequin pour Doc Martens est « rachitique donc on oublie » ; à la limite, la troisième et la cinquième on pourrait y arriver, quoique la troisième est quand même plus fine que moi, donc oui, plutôt la cinquième. Oui, il me « verrait bien comme la cinquième ».
Elle, donc :
Ca y est, nous revoilà dans la même situation qu’il y a un an : il me fait miroiter le résultat dont je rêve et il y a neuf chances sur dix pour que je me décide à y repasser d’ici quelques mois. Enfin je ne lui ai pas dit, mais je le sais.
Le petit espoir sournois est revenu. Me revoilà à imaginer ce que sera ma vie lorsqu’enfin j’aurai des jambes qui ne sont pas repoussantes.
Le psy m’a interdit / fortement déconseillé de recommencer, mais je sens que c’est fichu. Je voulais un bébé bouledogue mais je crois que ça va plutôt être une nouvelle charcuterie. Et dire que j’avais fini par accepter que j’étais allée au bout de ce que je pouvais faire pour mes cuisses (enfin, comme on peut accepter de donner tous ses sous aux Urssaf ou d’avoir un père abruti). Je ne sais pas quand, mais il y a fort à parier que je vais me jeter tête la première dans la gueule du loup, encore une fois.
Ensuite ce seront les injections pour mes rides d’inquiétude.
Et puis un lifting des cuisses parce que j’ai une peau de grand-mère maintenant.
Et une lipo du dos pour avoir des fossettes de dos.
Et un lifting des bras.
Et un anneau gastrique.
Et une lobotomie.
Bref, je crois qu’on n’est pas près d’en voir le bout.
PS: Inutile de dire qu'après avoir entendu des choses pareilles, je me sens plus grosse que jamais.
PPS: Du coup, j'ai reçu les Vans que je voulais depuis longtemps et que j'avais commandées sur les 3Suisses parce qu'elles étaient à 23 euros au lieu de 70, mais maintenant j'ai envie de les renvoyer parce que ça ne va qu'aux grandes sauterelles, ce genre de chaussures.
PPPS: Au fait, je continue bien sûr à sauter à la corde, je l’ai rafistolée après l’incident de l’autre jour, et hier matin j’ai réussi à tenir quarante minutes...oui, comme Rocky.