Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Journal d'une folle au pays de la lipo
23 avril 2014

Jour J

 

2014-04-23 12

C’est aujourd’hui. (C’est bizarre comme les trucs importants dans ma vie arrivent souvent un 22 ou un 23.)

Après trois jours confinée au chaud, une écharpe autour du cou et le traitement du généraliste respecté à la lettre, ma gorge ne me fait presque plus mal et je n’ai plus de fièvre. Je suis donc à peu près sûre de pouvoir être opérée. J’embarque tous mes médocs (que j’ai arrêtés la veille au matin) dans ma valise pour les montrer à l’anesthésiste, histoire d’éviter tout risque d’interaction.

Petite note sur la douche à la bétadine : c’est un vrai fléau ! J’ai des plaques sèches sur le visage, la moitié de mon violet est partie dans l’eau de rinçage, et je pue.

Bref, je prends le taxi pour Neuilly (les transports en commun avant une opération c’est un peu bof niveau microbes, et je ne connais personne qui sait conduire à Paris, alors au point où j’en suis, autant dépenser encore une centaine d’euros). Je dis au chauffeur trop curieux que je vais me faire opérer du genou.

Arrivée à la clinique, j’ai un peu de mal à réaliser ce que je suis en train de faire. Toute la semaine, j’ai bien cru ne jamais pouvoir être opérée, et maintenant que ça se présente plutôt bien, je n’ai pas eu le temps de vraiment m’y préparer.

Mon admission se fait rapidement ; la secrétaire m’attrape par le bras et me demande très sérieusement où est-ce qu’ils vont pouvoir trouver de la graisse à enlever. À part le docteur n°2, n’y a-t-il personne au monde pour comprendre l’enfer que je vis depuis 10 ans ? Grmbl.

Je prends l’ascenseur avec une fille que je suppose être une autre patiente ; elle me complimente sur mes cheveux, on échange des banalités et je lui souhaite bon courage quand on se sépare pour rejoindre nos chambres. Elle est magnifique, je ne vois pas ce qu’elle compte faire refaire ; et zut, je fais pareil que la secrétaire. Oui mais moi c’est pas pareil, je suis difforme.

On m’installe dans ma chambre. Je suis toute seule et non en chambre double comme il était prévu dans le devis – youhou je vais pouvoir faire pipi.

L’infirmière de service prend ma tension, je lui dis que je commence à stresser alors elle me donne deux atarax avec un fond d’eau (normalement je n’avais le droit de boire que jusqu’à 11h, et manger 8h ; il est midi donc j’en bois le moins possible). Elle essaye de prendre ma température mais son thermomètre n’a plus de piles, du coup elle me demande de prendre ma troisième et dernière douche à la bétadine et d’enfiler la blouse en attendant qu’elle aille en chercher un autre ; j’en profite pour faire ma petite maligne et prendre une douche la plus froide possible pour faire baisser ma température. Je sais, c’est mal.

Je mets ma magnifique culotte-filet transparente qui ne cache rien mais alors rien du tout, ma blouse bleue que j’essaye d’attacher comme une robe portefeuille pour couvrir mes fesses, et pour la charlotte j’attends le dernier moment parce que j’ai envie de garder un peu d’amour propre quand même.

Elle revient avec un thermomètre qui marche : 37,2. Ouf.

J’en profite pour lui expliquer que ma maman est encore plus stressée que moi pour cette opération, et que ce serait vraiment gentil de l’appeler quand je sors du bloc pour lui dire que j’ai survécu. Elle me dit qu’il n’y a pas de souci, son numéro de portable est inscrit sur mon bracelet de patiente de toute façon, donc ce sera fait.

J’ai envie de pipi toutes les deux minutes, parce que j’ai trop peur de faire pendant qu’on m’opèrera (l’anesthésiste m’a dit jeudi qu’effectivement ça pouvait arriver, bouhou non pitié).

L’atarax commence à m’endormir alors je me connecte deux minutes à Internet sur mon portable pour me rafraîchir les idées ; un mail du docteur.

..What ?

Super, apparemment je ne serai plus opérée à 14h mais à 15h30. Mais j’ai faim moi ! Il n’est que 12h30 alors endormie pour endormie, je me mets dans mon lit pour faire une sieste. Je lis quelques pages d’Harry Potter (réconfort suprême) et je sombre dans un mini-roupillon.

14h, un brancardier vient me chercher. Je lui explique le changement d’emploi du temps, il appelle la chef du bloc pour vérifier mais la conclusion, c’est que je dois quand même y aller. Bon. J’envoie vite fait un message à maman, je range Harry Pot’ dans le placard, je mets ma charlotte et c’est parti. Oh chiotte, pas le droit aux lunettes c’est vrai - me voilà dans le flou le plus total, c’est l’angoisse. Je ne suis pas prête.

On me demande de m’allonger dans le brancard et on me couvre, je me sens très vulnérable d’un seul coup. Je réalise tout juste que je vais bel et bien me faire endormir et charcuter. Je commence à trembler comme une malade et à claquer des dents, c’est incontrôlable.

On prend l’ascenseur. Arrivée au bloc, des gens que je ne vois pas viennent me parler l’un après l’autre et essayent de me déstresser. « On se prépare pour la plage cet été ? » On peut voir ça comme ça. Le brancardier me demande ce que ferait Harry Potter à ma place ; je lui réponds qu’il est maigre, lui. Et puis qu'il se retrouve tellement souvent dans les vapes chez Mme Pomfresh que ce serait de la routine pour lui. On me pose des questions sur mes cheveux en me plantant un cathéter dans la main. L’anesthésiste demande à ses collègues si ça lui irait bien comme couleur. Une infirmière pose mon dossier sur mes jambes pour écrire des choses, mais mes tremblements sont tellement violents qu’elle est obligée de trouver un autre support. Les gens ont du mal à croire que j’aie avalé deux atarax.

J’ai honte que mon corps me trahisse comme ça au dernier moment ; moi qui voulais avoir l’air cool et détachée, c’est râpé. 

Une énième personne toute floue s’approche de moi. J’entends un « bonjour Mimi » (non, je ne m'appelle pas vraiment Mimi Geignarde, je préfère le préciser), je pense reconnaître la voix du docteur alors j’essaye de prendre un air courageux. Quand il arrive à 30 cm de moi, je constate qu’effectivement c’est lui, alors je lui explique que je ne vois rien. Je tremble toujours autant alors il fait un truc que normalement j’aurais détesté, mais pour le coup c’était humain et gentil – il pose sa main deux secondes sur mon bras pour me calmer. Normalement je ne supporte pas qu’on me touche, mais là il faut croire que c’était ce dont j’avais besoin, coupée du monde comme j’étais, sans mes lunettes.

Il part ensuite remonter les bretelles aux gens du bloc parce qu’ils m’ont descendue alors que ce n’était pas mon tour, du coup ça fait perdre du temps à tout le monde puisque l’autre patiente est toujours dans sa chambre ; non non non je ne veux pas qu’on s’engueule, je vais être opérée et j’ai peur, s’il vous plaît.

Bon finalement tout le monde reste gentil, on décide de me remonter, le docteur me dit à tout à l’heure et je réponds par un misérable coucou de la main.

J’en profite pour retourner faire pipi une énième fois et pour raconter mes malheurs par sms à ma maman et à la seule amie à qui j’en ai parlé. J’essaye de me replonger dans Harry Potter mais j’ai un peu de mal à comprendre ce que je lis ; à 16h, quand on vient me chercher pour la deuxième fois, j’en suis seulement au moment du Magicobus.

Cette fois je sais un peu mieux ce qui me stresse alors je demande au brancardier si c’est possible de me redresser un petit peu ; je me sens déjà moins exposée que la première fois. Arrivée en bas, on me laisse toute seule alors j’en profite pour m’asseoir carrément. Je joue avec les fermetures des sachets de mes deux gaines pour me donner une contenance. J’entends un aide-soignant qui chante « viser la lune, ça ne me fait pas peur » en boucle, ça me fait rire et je lui dis merci pour la chanson. L’anesthésiste revient, je le salue d’un « re » solennel. Je dois avoir évacué le plus gros de mon stress avec le faux départ de tout à l’heure, c’est bizarre.

Le docteur sort d’une salle d’opération et indique au personnel de m’installer dans celle d’à côté. Je demande un mouchoir à une aide-soignante super gentille parce qu’il fait froid et que j’ai la reniflette.

Il revient avec un feutre bleu pour délimiter les zones à aspirer. Non, je ne peux pas garder ma culotte (de toute façon elle était transparente). Je soulève ma blouse d’un air pitoyable. C’est assez marrant de se faire dessiner dessus en fait ; ce qui l’est moins, c’est qu’il commence à y avoir beaucoup d’allées et venues dans les parages, du coup les portes automatiques s’ouvrent et se ferment et je ne peux pas m’empêcher de lâcher « mais tout le monde voit mes fesses ! », ce à quoi le docteur répond, amusé « eh ben oui, tout le monde voit vos fesses ». D’accord. Au moins c’est dit.

J’ai l’impression qu’il dessine très large mais je ne dis rien ; plus on m’en retire, mieux c’est. J’en profite pour lui rappeler que les cuisses et les mollets sont la priorité, et que s’il s’approche de la limite tant pis, je me débrouillerai autrement pour le reste, mais je suis venue pour mes jambes. Il me répond que je fais bien de le préciser, on ne sait jamais. Je lui dis aussi que c’est lui le professionnel et que s’il trouve que j’ai oublié une zone, il a le droit de déborder, tant que je ne me réveille pas avec du 95D.

« Ok, alors on réinjecte toute la graisse dans la poitrine, c’est noté », me répond-il.

« Hahahahahahahaha non c’est pas trop mon truc », réponds-je à mon tour. Mon sourire me fait un peu mal aux joues.

Il m’explique je vais commencer l’opération sur le ventre ; ça va être beau, une étoile de mer échouée.

L’anesthésiste arrive avec la piqûre fatidique. Je lui demande de me prévenir quand il piquera. Le docteur ajoute « si jamais elle a des dernières volontés ». Ehhh mais c’est sinistre ! « Oui enfin je me comprends ». Vaut mieux. Je lui demande s’il a vu ma nouvelle couleur de cheveux et je soulève un peu ma charlotte. Il me dit que c’est très joli et que ça lui rappelle un film qui est sorti il n’y a pas longtemps. Je ne l'ai pas vu. L’anesthésiste me colle des électrodes sur le thorax et dans le dos pour surveiller mon cœur. Au risque de passer pour une chieuse, je lui rappelle de faire attention à mes dents quand il m’intubera si c’est possible.

Cette fois ça y est, il injecte le truc dans le cathéter de ma main. Je demande si je dois m’allonger, le docteur dit que je peux rester assise encore un peu si je veux. « Et si je n’arrive pas à m’endormir ? - On parie ? - ..Oouuhh là là c’est trop bizarre ! »

Ce qui est trop bizarre, c’est la sensation qu’un truc me monte au cerveau d’un seul coup. Un peu comme l’effet de 30 shots de vodka à la fois, mais en très froid. Je me sens partir en deux secondes. Je n’aime pas ça. Les gens sourient.

***

J’ouvre un œil. Je veux leur dire que je ne suis pas endormie mais je remarque une vague douleur dans mon mollet ; en plus je suis dans une nouvelle salle, ça doit être fini alors. On ne m’avait pas menti, c’est vraiment le trou noir l’anesthésie générale (mais je n’arrive pas à décider si j’ai l’impression qu’il s’est passé une seconde ou trois heures).

Une soignante s’affaire au-dessus de mon brancard ; je ne sais pas qui c’est mais elle est extrêmement douce avec moi.

Je lui demande si on a bien appelé maman quand je suis sortie du bloc (je dois m’y prendre à deux fois parce que ma bouche a du mal à m’obéir au début) et elle me dit qu’elle ne croit pas.

Oh non.

Je n’ose même pas imaginer dans quel état elle doit être à la maison, collée au téléphone. Du coup je suis complètement réveillée.

Elle part s’occuper d’un bonhomme qui se débat un peu plus loin ; je l’entends lui dire de faire attention parce qu’il est plus costaud qu’elle. Comme elle revient me  voir, je lui dis que j’ai très mal à l’œil gauche : effectivement m’explique-t-elle, on a dû me le coller au sparadrap donc la paupière n’a pas trop aimé (c’est vrai, je le connais cet œil, des fois je me réveille en pleine nuit parce que je me rends compte qu’il est ouvert). « Eh ben ça va, vous êtes drôlement bien dis-donc ! » Oui tu m’étonnes, il faut que j’appelle maman.

Je me remets à trembler et à claquer des dents, de froid cette fois-ci. Je n’ai besoin de rien dire, elle me recouvre d’une grande couverture bleue. J’ai très froid aux pieds alors elle me les fait en « sandwich », comme elle dit, c’est mignon.

Deux brancardiers noirs me remontent joyeusement. Comme je suis réveillée, ils me disent d’essayer de me mettre dans mon lit toute seule. J’entends quelqu’un gémir pendant que je me traîne ; chiotte, c’est moi. « Oh là là elle est twès pâle non ? – Nan nan je suis toujours comme ça. – Elle ferait mieux d’êtwe comme nous ! – Désolée j’ai un petit teint de rousse moi, j’arrive pas à bronzer ». Je suis morte de rire intérieurement, mais j’ai du mal à rigoler parce que je tremble plus fort que jamais. « On va vous donner quelque chose contre la twemblote et ensuite vous pourrez manger, Mlle Geignarde..boah on peut vous appeler Mimi non ? – Ah oui je préfère, c’est cool. »

La conversation me revient en tapant, c’est rigolo parce que j’avais oublié tout ça. Bref, ils m’installent une perfusion de sucre et je leur demande mon portable et mes écouteurs (j’ai tellement l’impression d’être une assistée que je dis merci cinquante-mille fois).

Dès que je suis en état d'aligner plusieurs phrases, j’appelle maman ; ça va il n’est que 19h30, elle n’a dû paniquer qu’une petite heure… Je lutte pour garder les yeux ouverts. Là par contre je ne me souviens plus du tout de ce qu’on s’est dit. J’entends un pigeon comme celui de mon jardin, j’ai envie d’être chez moi. Je rassemble mes dernières forces pour envoyer un sms à mon amie aussi. Mission accomplie, je peux fermer les yeux.

Vers 22h, je suis réveillée par un plateau-repas. Oh là mais je n’ai pas faim du tout ! Oui mais je suis à jeun me dit l’infirmière de nuit, il faut que je mange, tout doucement. Ok j’essaie. Ça n’a jamais été aussi dur de tenir une fourchette. Mes yeux se ferment tout seuls entre chaque bouchée. Je m’autorise une micro-sieste mais l’infirmière revient me réveiller en disant qu’il faut que je lui fasse plaisir et que je mange un tout petit peu ; apparemment j’ai fait plus qu’une micro-sieste. J’essaye d’enchaîner mes bouchées d’oisillon super vite pour en finir et je fais descendre avec de l’eau et trois extranase. L’infirmière a l’air contente et elle reprend mon plateau. J’en profite pour lui demander quelle taille de gaine est posée sur ma table de chevet ; c’est la taille 3 ! Donc ils ont réussi à m’enfiler la 2 finalement ces barbares…

Après une longue bataille silencieuse mais non moins acharnée, j’arrive à bouger de quelques millimètres mon mollet qui me fait mal pour qu’il ne soit plus appuyé sur la crampe ; aah ça va mieux. Pour l’instant c’est le seul endroit qui me fait souffrir, je me sens surtout faible et compressée. Si ce n’est pas pire que ça, ça devrait aller !

 

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Félicitation j’ai lu l’intégralité des cuisses sont superbes, tu as beaucoup souffert...maintenant profites en tu es sublime 😉😉<br /> <br /> Si tu as le temps j’envisage une Lippo en octobre et j’ai envie de te suivre et faire confiance à ton chir, peux tu m’envoyer son nom stp<br /> <br /> T’en remerciant d’avance, bonne nne continuation <br /> <br /> Lobi
B
Bonjour pouvez vous me dire quel chirurgien vous a opéré ?<br /> <br /> Merci d'avance !
Journal d'une folle au pays de la lipo
Publicité
Archives
Publicité